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Nora*, commerçante prise en charge en santé mentale

PROCESSUS DE SUIVI PSYCHOSOCIAL MIS EN PLACE PAR LE PROGRAMME RESILAC : LOCALITE D'IGAWA, COMMUNE DE MORA, CAMEROUN

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Le 14 Décembre 2020, les équipes SMPS-GP d’ACF de Mora reçoivent Nora dans le cadre de la prise en charge du psycho-trauma. Jeune femme âgée de 30 ans, elle est chef de ménage et mère de 6 enfants. Elle exerce quotidiennement la vente du bois en allant le chercher en brousse à des longues distances, puis le revend dans le camp des déplacés.

A sa demande, elle a été suivie en individuel à cause de la situation de son mari.  En effet, ce dernier a été soupçonné de faire partie d’un groupe armé organisé (GAO), et en tant que tel, elle ne souhaitait pas partager son histoire au milieu de tous ; elle a ainsi exprimé son besoin d’être écoutée de façon privée.

La détresse de Nora débute en fin 2015, lorsqu’un jour en rentrant des champs, son mari est arrêté et jusqu’à nos jours, personne ne sait ce qui lui est arrivé. Plus tard en 2016, Nora célébrait le mariage de son petit frère et le climat était jovial et convivial. Puis brusquement, les GAO ont fait irruption à l’insu de tous. Le village a été instantanément plongé dans la terreur et la peur a envahi la célébration du mariage. Sa belle-sœur, la jeune mariée, a été enlevée et le petit frère de Nora tué sous ses yeux.

Dès lors, Nora vivait dans une situation très précaire avec ses enfants, dormant dans les champs la nuit, pour regagner la ville, plus calme en journée et y chercher de quoi nourrir sa famille. Cet équilibre déjà fragile, bascula totalement le jour où les GAO sont revenus de nouveau au village et ont tout brulé sur leur passage : maisons, champs, bétails. Ils ont aussi pillé les biens, tués des innocents et enlevés des jeunes garçons pour les enrôler dans leur groupe armé. Nora s’enfuit, et après 7 jours de marche avec ses enfants et les voisins put regagner le camp de Igawa où nous l’avons rencontrée.

A l’issue de ces différentes expériences traumatiques, Nora a commencé à développer un repli sur soi, elle ne parle plus beaucoup, elle pleure chaque soir. Elle dit avoir des perturbations de sommeil, faire des mauvais rêves et avoir des problèmes d’appétit. La situation de son mari porté disparu lui a ôté le goût à la vie. Ses nuits sont agitées car elle continue d’entendre les coups de feu de l’invasion de son village, qui raisonnent dans sa tête comme si c’était hier.

L’équipe SMPS-GP propose un suivi individuel pour aider Nora à retrouver son équilibre social et diminuer sa détresse psychologique. Il a été essentiel de normaliser ses ressentis face à son vécu traumatique. Les TPS l’ont aussi encouragée à rechercher un soutien social, à dialoguer avec des personnes en qui elle a confiance notamment pour l’aider à chercher des informations sur son mari. Suite à nos séances, Nora a repris confiance petit à petit.

Par ailleurs, la « technique du lieu sûr » a été appliquée à la bénéficiaire parce que pour elle, tout était devenu sombre dans son esprit et elle ne se remémorait jamais des beaux souvenirs et ne pensait qu’aux moments douloureux qu’elle a traversés. A ce moment, nous avons jugé utile de lui faire pratiquer cette technique dont la démarche est de faire un vide dans sa tête et de s’imaginer en elle un endroit calme et paisible dans lequel elle peut s’évader. Elle affirme:

 

 « Mon jardin que j’avais l’habitude d’arroser et voir pousser me procure un sentiment d’accomplissement. C’est le seul endroit qui me permettait de m’évader et être loin de mes problèmes et des cris des enfants. Le fait de l’imaginer à nouveau, me donne le sentiment d’apaisement de légèreté et de calme, je peux même sourire. Nos échanges me permettent de voir la vie autrement, de ne plus toujours désespérer, mais de me battre pour retrouver mon mari et être là pour mes enfants ».

Ainsi, au fur et à mesure de la prise en charge, Nora a commencé à voir la vie autrement, et continué à se battre pour ses enfants. Jusqu’à présent, les recherches au sujet du mari, effectuées par le chef de son village et la Croix-Rouge sont infructueuses. 

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« Je ne saurais baisser les bras, si je ne le fais pas, personne ne retrouvera mon mari, grâce à votre accompagnement, je suis consciente de ma responsabilité vis-à-vis de ma famille ».

 

 

Nora a pris conscience de sa responsabilité vis-à-vis de ses enfants, de l’importance de pouvoir avoir des bonnes relations dans la communauté et pouvoir compter sur des gens. Au lieu de se laisser dominer par des pensées négatives, elle cherche à avancer et envisage de commercialiser les légumes secs et continuer avec ses recherches afin de retrouver son mari.

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Dans le cadre du projet RESILAC, ACF contribue et participe au renforcement et à l’amélioration du bien-être psychologique des populations du Mayo-Sava en général et des localités cibles de Mémé et Oudjila particulièrement. En effet, le projet RESILAC dans son volet redressement social et particulièrement son aspect Santé Mentale et Pratique des Soins vient en aide à tous ceux qui ont traversés des évènements traumatisants. En réalité, la mise en œuvre de ce projet consiste à apporter une assistance psychologique par des stratégies de prise en charge individuelle pour les uns et en groupe pour les autres. Cette technique de prise en charge en individuel ou en groupe se justifie par la manifestation du traumatisme qui est propre à chaque individu.

* Le prénom a été modifié

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